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1 Pierre INTRODUCTION

INTRODUCTION
Modeste par ses dimensions, sobre dans son expression, cette épître retient l'attention à trois titres au moins, indépendamment de l'autorité que lui confère son appartenance à l'ensemble canonique : elle se rattache à Pierre, le grandapôtre des origines, ce qui est l'exception dans le Nouveau Testament ; on s'accorde ensuite à reconnaître l'ancienneté des éléments qu'elle rassemble : c'est un témoin privilégié des tout premiers temps de l'Eglise ; on est frappé, enfin, par l'actualité de son message.
Auteur et date de rédaction
L'auteur se nomme Pierre, apôtre de Jésus-Christ (1.1). Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui encore, font crédit à cette déclaration claire en elle-même. Cependant, dès le XIXe siècle, on a mis en doute que Pierre lui-même ou quelqu'un de son école soit à l'origine de cet écrit, et le débat sur la question se poursuit.
La discussion porte d'abord sur la période de rédaction. On a cherché à la déterminer à partir des persécutions évoquées dans l'épître. On a envisagé :
–le règne de Trajan (98-117), d'après les indications données par Pline le Jeune sur la répression qui frappa les chrétiens d'Asie Mineure au début du IIe siècle,
–celui de Domitien (81-96), période où interviennent les premiers décrets impériaux contre les Eglises,
–celui de Néron qui, en 64-65, sévit contre les chrétiens de Rome.
Toutefois il est sage de renoncer à dater sur un tel critère, car il n'est pas acquis que l'on soit, ici, en présence de persécutions générales et officielles. Les divers tracas, les coups, les spoliations, les emprisonnements subis par les chrétiens de la part des autorités locales à l'instigation des foules, depuis les origines ou presque, pourraient fournir un cadre largement suffisant aux données de l'épître.
Aussi fait-on appel aux critères théologiques. On a tenté de situer la rédaction en fonction de l'évolution des rapports entre la Synagogue et l'Eglise, car il n'y a plus trace ici de polémique contre le judaïsme.
Mais la datation des thèmes doctrinaux est une entreprise des plus délicates. Certains perçoivent des affinités avec les écrits les plus tardifs du Nouveau Testament, telle l'appellation peuple de Dieu donnée à l'Eglise et non plus à Israël (2.10), alors que d'autres sont sensibles à l'ancienneté de plusieurs motifs : la description du Christ comme serviteur souffrant (2.22s), inspirée d'Esaïe 53, l'attente toujours vive d'une fin proche (4.7), l'organisation de l'Eglise qui compte seulement un collège d'anciens encore assimilé au groupe des plus âgés (5.1-5).
On en revient alors aux considérations sur la personnalité de l'auteur, alors même que la lettre n'a pas un caractère personnel très marqué (son rôle affleure seulement en 5.1,12) et que le ton est davantage celui de l'exhortation douce que celui de l'autorité. Dans l'Antiquité, on ne doutait pas que cet écrit soit bien l'œuvre de Pierre. Les principaux arguments avancés par des modernes contre cette opinion sont les suivants :
–la généralité du propos,
–l'absence de tout appui sur des relations personnelles privilégiées avec Jésus,
–une théologie trop proche de celle de Paul dans sa formulation,
–le caractère anormal d'une correspondance adressée à des Eglises fondées non par Pierre lui-même, mais, pour la plupart au moins, par Paul,
–un poids particulier attribué aux aspects formels : la langue (un grec de bonne qualité), l'expression aisée, les citations empruntées directement à la traduction grecque (Septante, voir LXX*) dépasseraient, dit-on, les moyens d'un ancien pêcheur du lac de Galilée.
L'obstacle formel peut cependant être contourné grâce à la mention de Silvain en 5.12. Ce Silvain, ou Silas, originaire de la diaspora mais lié à l'Eglise de Jérusalem (Ac 15.22,40 ; 1Th 1.1), maître et évangéliste, a pu jouer un rôle de « secrétaire » plus ou moins important, voire être l'auteur sous l'autorité de Pierre. On propose une solution encore plus souple, celle du rattachement à une « école pétrinienne », qui se réclamait de Pierre.
Rien d'incontestable ne s'oppose donc au lien qui unit cette œuvre à l'apôtre. L'attribution à Pierre lui-même conduirait à situer sa rédaction vers 64-65, peu avant son martyre, peut-être à Rome, si l'on comprend ainsi la mention de Babylone en 5.13n. L'hypothèse de « l'école pétrinienne » explique qu'on la date quelquefois après l'an 70.
Arrière-plan théologique et ecclésial
L'arrière-plan est d'abord celui de l'Ancien Testament (nombreuses citations ou allusions). L'enracinement dans l'Ecriture apparaît, par exemple, dans le rôle que joue le Psaume 34 (2.3 ; 3.10ss et plusieurs allusions) ou dans la place accordée au livre d'Esaïe : Es 8.12ss (1P 2.7s ; 3.14s) ; Es 28.16 (1P 2.6) ; Es 40.6ss (1P 1.24s) ; Es 43.20s (1P 2.9) ; Es 53.6ss (1P 2.22ss).
Ce sont avant tout les catégories de l'Ancien Testament qui structurent la théologie de l'épître, en particulier :
–celle de l'Exode (2.9), sur laquelle vient se greffer le thème de l'exil (2.11) et de la diaspora (1.1n) : c'est vers le Christ, invisible mais vivant, que doivent désormais se tourner les regards, et non plus vers le pays et le temple ;
–celle du sacrifice (1.2 ; 1.18s ; 2.5,21ss ; 3.18) ;
–celle du juste persécuté mais récompensé, particulièrement adaptée à une situation de persécution (3.9s ; 5.9s).
L'épître se nourrit aussi de l'enseignement de Jésus  : dans une forme proche de celle de Matthieu, on perçoit des échos du « Sermon sur la montagne » (Mt 5.10 en 2.19ss et 3.9,14 ; Mt 5.16 en 2.12 ; Mt 6.9ss en 1.17 ; Mt 6.19-21 en 1.4). Epître « de la tradition », comme on l'a qualifiée, elle donne accès, en outre, à la prédication et à la catéchèse des communautés primitives. Elle sait même imprimer une marque spécifiquement chrétienne à des codes de relations sociales que l'on trouve déjà dans les textes de la sagesse païenne ou juive.
Les apports originaux ne font cependant pas défaut ; on relève, parmi ceux-ci :
–la thèse du sacerdoce de tous les croyants (2.5,9),
–l'accent sur une espérance présentée comme vivante (1.3),
–l'appel à rendre compte de cette espérance (3.15),
–la perspective d'un jugement inauguré dans les détresses de l'Eglise (4.17ss).
On peut ajouter à cette liste les textes de 3.19ss et de 4.6, mais leur indéniable originalité s'associe à la difficulté qu'on éprouve aujourd'hui à en donner une interprétation assurée.
Intention et message
La présence de plusieurs centres d'intérêt rend délicate la recherche d'une intention globale. Il est juste, néanmoins, de prendre en compte la déclaration de 5.12 : Je vous écris… pour vous encourager et pour témoigner que c'est bien dans la vraie grâce de Dieu que vous vous tenez.
Ici s'exprime le souci de rassurer, et de stimuler à la fois, des chrétiens troublés qui s'interrogent sur le message dont ils vivent. Cette perplexité, susceptible de ralentir leur marche et d'affaiblir leur témoignage, ne naît pas d'une « autre bonne nouvelle » (contrairement à Ga 1.6, il n'y a pas ici de polémique interne au christianisme), mais de la difficulté d'intégrer dans la conception de la vie sous la grâce des réalités aussi sombres que l'ostracisme social, la persécution et la mort. La difficulté n'est pas seulement existentielle, mais aussi théologique.
Structure
La structure de la lettre (voir « Plan de l'épître ») n'a rien de systématique. La thèse selon laquelle l'indicatif des déclarations doctrinales suivrait ici l'impératif de l'exhortation (à l'inverse de ce que l'on trouve chez Paul) ne se vérifie pas toujours. La coupure la plus clairement marquée se situe entre 2.10 et 11, avec, dans ce dernier verset, l'appellation bien-aimés et l'annonce – prolongée en 2.12 – d'un thème nouveau : la conduite parmi les gens des nations (non juives). On peut encore mentionner quelques indices littéraires, comme la présence de doxologies en 4.11 et 5.10s.
Genre littéraire et destinataires
Est-ce une vraie lettre ?
En raison de la tonalité d'ensemble, d'assez nombreux modernes pensent qu'on aurait plutôt affaire à un sermon, muni après coup d'une introduction et d'une salutation. On a même cherché à être plus précis : homélie baptismale, voire liturgie baptismale.
Rien n'interdit vraiment de lui reconnaître une authentique forme épistolaire, et il est artificiel de rattacher tout le message au baptême (seule mention explicite en 3.21).
A qui cette lettre est-elle envoyée ?
A ceux qui ont été choisis et qui vivent en étrangers dans la dispersion – dans le Pont, en Galatie, en Cappadoce, en Asie et en Bithynie. Ces cinq provinces représentent, selon la terminologie de l'administration romaine, l'essentiel de ce vaste territoire qu'est l'Asie Mineure (correspondant grosso modo à l'actuelle Turquie). Un regard jeté sur une carte de cette région au Ier siècle de notre ère met en évidence le caractère à première vue peu logique de l'énumération, qui sépare des provinces voisines comme le Pont et la Bithynie. L'explication la plus vraisemblable de cette curiosité est celle d'un ordre correspondant au circuit accompli par le porteur de la lettre, partant d'un des ports de la mer Noire pour revenir à un autre.
L'épître fournit peu d'informations sur la vie des communautés visées. Elle souligne leur dissémination (1.1). Le trait le plus accusé est celui de l'inconfort ressenti en présence d'un contexte social peu favorable, où l'incompréhension se mue aisément en hostilité (2.12 ; 4.1-4). On note un vigoureux appel à l'amour fraternel (1.22 ; 3.8 ; 4.8) et au bon usage des charismes (4.10s). Le devoir du témoignage dans le monde doit être assumé avec joie (1.14ss ; 2.11s, etc.). L'organisation de l'Eglise est simple : un collège d'anciens a la lourde mais belle responsabilité de paître le troupeau de Dieu (5.2).
Il faut reconnaître que notre connaissance du christianisme d'Asie au Ier siècle est fortement lacunaire. Il faut s'en remettre aux quelques informations fournies par les épîtres de Paul, le livre des Actes, l'Apocalypse de Jean et les lettres d'Ignace d'Antioche (au début du IIe s. apr. J.-C.). Si nous ne trouvons ici que peu de chose pour satisfaire notre curiosité, nous recevons par contre d'utiles exhortations à nous rappeler qu'il suffit au disciple d'être traité comme son Maître.
L'Eglise d'aujourd'hui, en situation de post-chrétienté ou dans des pays où le christianisme est relativement récent et minoritaire, retrouve dans une large mesure les sentiments et les difficultés des premiers destinataires, étrangers dans la dispersion.

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